Aller au contenu

Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/277

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

_vous qui me rendez service. Je désire concentrer sur la terre de Franqueville les dépenses que j’aurai à faire pour la remettre en état de rapport. Vous m’avez fait voir, et j’ai vu très clairement qu’ici rien ne marchera sans d’assez sérieux sacrifices. J’aurais donc à me priver de revenus pendant plusieurs années, et c’est vous qui m’allégez le fardeau en m’offrant l’intérêt de mon capital. Je crains même qu’à ce point de vue l’affaire ne soit onéreuse pour vous et avantageuse pour moi seul. Pensez-y bien avant de vous en charger.

— C’est tout pensé et tout réglé d’avance, répondis-je. Une terre qui, pour le bourgeois qui n’y réside point, n’est qu’un placement d’agrément est, pour le paysan, une vraie richesse. Il y vit et il en vit. Il n’a point vos besoins, vos devoirs de grande hospitalité, vos habitudes de bien-être et de dépenses. Pour demeurer ici, vous parliez, dans le temps, de grosses réparations et de constructions nouvelles. Votre consommation y serait coûteuse, le pays ne produisant point ce qu’il faudrait seulement pour votre table. Nous autres, avec nos gros habits de droguet et de toile fabriqués dans la commune et cousus par nous-mêmes, avec nos pieds nus l’été et nos sabots l’hiver, avec notre nourriture de raves, de sarrasin et de châtaignes que nous trouvons suffisante, avec notre piquette de prunelles que nous trouvons bonne, avec notre travail personnel qui nous épargne celui de plusieurs domestiques et qui nous conserve la santé ; avec notre surveillance de tous les instants, notre travail de jour que ne pourrait point remplacer votre travail de nuit, enfin, avec nos mille petites économies dont vous n’avez