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Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/279

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e, car il se regardait encore comme le gérant de la maison, à cause de quelques écritures que je lui donnais à faire, bien que je les eusse faites moi-même mieux et plus vite. Je ne pris pour confident que Dumont, dont la joie fut grande et qui voulut tout aussitôt me libérer de plusieurs annuités d’intérêt, en versant à M. Costejoux les trois mille francs d’économies qu’il possédait et qui étaient déposés chez le banquier, frère de notre ami. Pour cela, il n’y avait que quelques mots d’écrit à échanger, et j’y consentis, n’ayant pas le droit d’empêcher ce digne ami d’assurer en partie l’avenir d’Émilien ; car tout se fit en vue de ce dernier. J’aurais voulu que la vente fût en son nom et à son profit. M. Costejoux n’y consentit point.

— On ne sait ce qui peut arriver, dit-il ; Franqueville est le plus probe des êtres, et je le sais laborieux ; mais j’ignore s’il a votre sagesse et votre persévérance. Je ne vois l’affaire sûre qu’entre vos mains, et c’est avec vous seule que je traite dans son intérêt le mieux pesé et le mieux entendu.

Quand j’eus servi à M. Costejoux le meilleur souper qu’il me fût possible de lui accommoder, et quand le prieur et Dumont se furent retirés, nous eûmes un autre entretien qui me frappa beaucoup. Comme je lui demandais ingénument si le caractère de Louise s’était un peu amélioré :

— Ma chère amie, répondit-il, ce caractère-là sera toujours fantasque, et je plains le mari qui aura à le supporter… à moins que ce mari n’ait plus d’esprit qu’elle, et plus de fermeté qu’une femme n’en saurait avoir. Vous êtes une exception, vous, une très remarquable exception. Vous n’êtes ni une femme ni un