Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/302

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

réjouiraient l’oreille du prieur et lui ôteraient toute inquiétude. Il n’en fut rien ; il s’obstina à croire que les brigands festoyaient chez nous et qu’ils allaient venir le torturer pour avoir son argent.

— Eh mon Dieu, lui dis-je, ne sachant plus quelles raisons lui faire entendre, quand même ils seraient chez nous et voudraient nous dépouiller, nous ne serions pas torturés pour cela. Il serait bien facile de leur abandonner, sans nous faire prier, le peu que nous avons à la maison, et je ne comprends pas que vous vous tourmentiez si fort pour une pauvre petite bourse qui ne mérite certainement pas le martyre dont on vous menacerait.

— Ma bourse ! s’écria-t-il en s’agitant sur son lit, jamais ! jamais ! Mon avoir, mon bien ! J’y tiens plus qu’à ma vie. Non ! Jamais ! Je mourrai dans les supplices plutôt que de rien révéler. Qu’on apprête le bûcher, me voilà ! brûlez-moi, coupez-moi par morceaux, faites, misérables, je suis prêt, je ne dirai rien !

Il ne se calma que dans la matinée, et, le soir, il recommença son rêve, ses cris, ses terreurs, ses protestations. Le médecin le trouva bien mal, et, la nuit suivante, ce fut encore pire. Je m’épuisais à le tranquilliser, il ne m’écoutait pas et ne me connaissait plus. Le médecin m’engagea à prendre du repos, il me dit que j’avais la figure très altérée et qu’il me croyait très malade aussi.

— Je ne suis pas du tout malade, lui répondis-je ; ne vous occupez que de ce pauvre homme qui souffre tant !

Et, comme je disais cela, il paraît que je tombai tout à coup comme morte et qu’on m’emporta dans ma chambre. Je ne m’aperçus de rien, j’étais tout à