Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/323

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sœur et je ne t’humilierai jamais. Je sais vivre, à présent, je ne te dédaigne pas ; je t’estime, j’ai même de l’amitié pour toi et je n’oublie pas tes soins ; mais tout cela ne fera pas que j’aie tort de dire ce que je dis.

— Que dites-vous donc ? répondis-je, car il faut conclure. Votre frère s’abaissera en oubliant qu’il est marquis ?

— Je ne dis pas qu’il s’abaissera, je dis qu’il descendra volontairement de son rang et que le monde ne lui en saura point de gré.

— Le monde des sots, s’écria M. Costejoux.

— C’est le monde dont je suis, reprit-elle.

— Et dont il ne faut plus être !

Là-dessus, il lui parla encore très sévèrement, comme un père qui gronde son enfant, mais qui l’adore, et je vis qu’il ne se trompait pas en supposant qu’elle voulait être adorée ainsi, car elle se laissait dire des choses dures, à condition qu’elle y sentirait percer la passion. Leur querelle se termina encore par un raccommodement piqué de quelques épingles, mais où elle semblait se rendre.

Quand il se fut retiré, elle me prit à partie, mais sans aigreur, et finit par m’embrasser _elle-même, _en me disant :

— Allons, aime-moi toujours, car tu seras ma Nanon qui m’a gâtée et pour qui je ne veux pas être ingrate. Si tu épouses mon frère, je vous blâmerai tous deux, mais je ne vous en aimerai pas moins, voilà qui est dit une fois pour toutes.

Le lendemain, je me levai de bonne heure, je m’habillai sans bruit et je sortis sans éveiller la bonne madame