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Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/207

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nez votre parole d’honneur qu’il vous a dit textuellement ces choses en vous parlant de moi ?

— Je vous la donne, et je le jure encore par mon affection pour vous.

— Je veux, reprit-elle, que vous lisiez mes lettres, toutes mes lettres ! Prenez-en connaissance, ce soir ou demain matin. Vous les brûlerez ensuite. Ou plutôt… non ! gardez-les ! Il se peut qu’un jour Narcisse soit content de les lire aussi, car, lui aussi, n’a pas cessé d’être inquiet, bien qu’il ait eu la délicatesse de ne pas me le dire. Brave et honnête homme ! Quelle différence !

— J’aime à vous entendre parler ainsi. Un jour viendra où vous l’aimerez comme il le mérite.

— Hélas ! non, mon ami ; ce jour ne viendra pas.

— Juliette ! Juliette ! quelle étrange créature êtes-vous donc ? m’écriai-je, impatienté et presque irrité contre elle. Vous avez au fond de l’âme je ne sais quel sentiment invincible pour je ne sais quel être réel ou imaginaire ; et pourtant, ce soir, vous vouliez recevoir un baiser d’un homme que vous n’aimez pas et que vous savez éperdument amoureux de vous. Ce serait là une peccadille, peut-être, de la part d’une femme étourdie ; mais vous, il ne vous est pas permis d’oublier un instant combien votre vie sérieuse a rendu sérieuse la passion que vous inspirez.

— Hélas ! que voulez-vous ! répondit-elle en rougissant.