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Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/48

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— Dame ! dame ! reprenait Narcisse, vous m’en direz tant ! Mais, est-ce possible à une fille de vingt-huit ans ? Je sais bien qu’autrefois elle était si innocente, que, quand j’étais commandé de l’embrasser aux petits jeux, elle me tendait la joue et elle ne rougissait seulement pas. Moi, je rougissais un peu. J’avais seize ans, et, bien qu’elle ne passât pas pour belle, c’était une demoiselle, et j’avais honte ! Mais, à présent, voyez-vous, c’est impossible qu’elle ne sache rien de rien, comme à quinze ans !

— Enfin, que voulez-vous faire pour la préserver du malheur où elle se jette ? Car je vois bien que vous cherchez un moyen de lui prouver votre affection.

— Lui prouver, non ! Est-ce qu’elle se souvient seulement que j’existe ? Il n’y a rien d’ingrat et d’oublieux comme ces bigotes ! Et, lorsque j’ai voulu acheter ce petit terrain qui est là et dont la propriété est très-contestable, après tout… car mon père s’en était emparé… Voyez ! ce poirier qui a poussé au hasard faute de soins, et cette vigne qui grimpe sur le mur de l’enclos des religieuses, c’est lui qui les avait plantés. Personne ne lui disait rien. C’était un terrain abandonné. Eh bien, quand elle a acheté le couvent et ses dépendances, son avoué m’a cherché querelle, et elle a fait faire cette barrière à ses frais pour établir sa possession, sans aucun égard à mes offres. Je demandais à acheter une chose qui m’appartient peut-être, voyez-vous ! et, si j’avais voulu plaider !… Tout