Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/85

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pâturage de s’établir sur ses flancs abrupts, et pourtant la riante et charmante fraîcheur de cette petite et lointaine solitude n’admettait pas d’idées sombres. Les truites sautillaient dans le ruisseau de cristal, les merles chantaient dans les taillis, et les martins-pêcheurs rasaient de leur vol, semblable à celui d’une flèche d’or, les roches humides et les petites flaques de sable fin et propre, où l’on ne voyait aucune empreinte de pas humains.

Nous marchions depuis près d’une heure, et le sentier n’existait presque plus. Nous posions le pied de pierre en pierre, sur le rivage, remontant les innombrables cascatelles de la Gouvre, ou nous dirigeant à travers les branches et les ronces, quand la rive, trop ardue, nous forçait de faire un petit crochet dans les bois jetés au flanc du ravin. La marche était assez fatigante, quelquefois même un peu dangereuse.

— Ah çà ! dis-je à mon compagnon, mademoiselle d’Estorade a pris un autre chemin, je pense, pour aller à ce rendez-vous ?

— Je le pense aussi, répondit-il. Autrefois elle était, non pas forte sur ses jambes, mais très-adroite de ses pieds : quand on a été élevé dans nos rocailles ! Mais elle doit avoir perdu l’habitude, depuis qu’elle s’est mise en cage. Il y a un autre chemin, par le haut, où elle a pu aller en voiture ou sur un âne.

Mais, au bout de quelques pas, Narcisse s’arrêta, en disant :