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Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/240

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puis il se mit en devoir d’examiner ses comptes de la journée. Mais il ne fut pas longtemps tranquille, car madame Loredana vint le trouver avec un coffre à la main. C’étaient quelques hardes qu’elle venait de préparer pour sa fille, et elle exigeait que son mari la conduisît chez la princesse le lendemain dès le point du jour. M. Spada n’était plus aussi pressé d’éloigner Mattea ; il tâcha d’éluder ces sommations ; mais, voyant qu’elle était décidée à la conduire elle-même dans un couvent s’il hésitait à l’emmener, il fut forcé de lui avouer que la réussite de son affaire dépendait seulement de quelques jours de plus de la présence de Mattea dans la boutique. Cette nouvelle irrita beaucoup la Loredana ; mais ce fut bien pis lorsque, ayant fait subir un interrogatoire implacable à son époux, elle lui fit confesser qu’au lieu d’aller chez la princesse dans la soirée, il avait parlé au musulman dans un café en présence de Mattea. Elle devina les circonstances aggravantes que celait encore M. Spada, et, les lui ayant arrachées par la ruse, elle entra dans une juste colère contre lui et l’accabla d’injures violentes, mais trop méritées.

Au milieu de cette querelle, Mattea, à demi déshabillée, entra, et, se mettant à genoux entre eux deux :

— Ma mère, dit-elle, je vois que je suis un sujet de trouble et de scandale dans cette maison ; accordez-moi la permission d’en sortir pour jamais. Je viens d’entendre le sujet de votre dispute. Mon père suppose qu’Abul-Amet a le désir de m’épouser, et vous, ma mère, vous supposez qu’il a celui de me séduire et de m’enfermer dans son harem avec ses concubines. Sachez que vous vous trompez tous deux. Abul est un honnête homme à qui sa religion défend sans doute de m’épouser, car il n’y songe pas, mais qui, ne m’ayant point achetée, ne songera jamais à me traiter comme une concubine. Je