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Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/286

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le monde un rôle moitié honorable, moitié ridicule, qui fit beaucoup souffrir sa vanité. Dix ans apportent dans toutes les passions possibles beaucoup de calme et de raisonnement. L’amitié, lorsqu’elle n’est qu’une survivance de l’amour, est plus susceptible de calcul et plus froide dans ses jugements. Une telle amitié (que deux ou trois exceptions qui sont dans le monde me le pardonnent !) n’est point héroïque de sa nature. L’amitié de Buondelmonte pour Metella vit d’un œil très-clairvoyant les chances d’ennui et de dépendance qui allaient augmentant d’un côté, de l’autre les chances d’avenir et de triomphe qui étaient encore vertes et séduisantes. Une certaine princesse allemande, grande liseuse de romans, et renommée pour le luxe de ses équipages, débitait des œillades sentimentales qui, au spectacle, attiraient dans leur direction magnétique tous les yeux vers la loge du comte. Une prima donna, pour laquelle quantité de colonels s’étaient battus en duel, invitait souvent le comte à ses soupers et le raillait de sa vie bourgeoise et retirée. Des jeunes gens, dont il faisait, du reste, l’admiration par ses gilets et les pierres gravées de ses bagues, lui reprochaient sérieusement la perte de sa liberté. Enfin il ne voyait plus personne se lever et se dresser sur la pointe des pieds quand lady Mowbray, appuyée sur son bras, paraissait en public. Elle était encore belle, mais tout le monde le savait ; on l’avait tant vue, tant admirée ! il y avait si longtemps qu’on l’avait proclamée la reine de Florence, qu’il n’était plus question d’elle et que la moindre pensionnaire excitait plus d’intérêt. Les femmes osaient aborder les modes que la seule lady Mowbray avait eu le droit de porter ; on ne disait plus le moindre mal d’elle, et le comte entendait avec un plaisir diabolique répéter autour de lui que sa conduite était exemplaire, et que c’était une bien