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Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/67

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mais enfin il faut l’obtenir, prétexter un empêchement sérieux, et partir dès cette nuit pour Saint-Sauveur. Nous y arriverons dans l’après-midi ; nous nous reposerons jusqu’au soir ; à neuf heures, pendant le rendez-vous, je ferai seller nos chevaux, et, à dix heures (j’imagine qu’il ne faut pas plus d’une heure pour échanger deux paquets de lettres), nous remontons à cheval, nous courons toute la nuit, nous arrivons ici avec le soleil levant, nous trouvons la belle Margaret piaffant sur sa noble monture, ma jolie petite madame Bernos caracolant sur mon yorkshire ; nous changeons de bottes et de chevaux, et, couverts de poussière, exténués de fatigue, dévorés d’amour, pâles, intéressants, nous suivons nos dulcinées par monts et par vaux. Si l’on ne récompense pas tant de zèle, il faut pendre toutes les femmes pour l’exemple. Allons, es-tu prêt ?

Pénétré de reconnaissance, Lionel se jeta dans les bras de Henry. Au bout d’une heure, celui-ci revint.

— Partons, lui dit-il, tout est arrangé ; on retarde le départ pour Luchon jusqu’au 16 ; mais ce n’a pas été sans peine. Miss Ellis avait des soupçons. Elle sait que ma cousine est à Saint-Sauveur, et elle a une aversion effroyable pour ma cousine, car elle connaît les folies que tu as faites jadis pour elle. Mais, moi, j’ai habilement détourné les soupçons ; j’ai dit que tu étais horriblement malade, et que je venais de te forcer à te mettre au lit…

— Allons, juste ciel ! une nouvelle folie pour me perdre !

— Non, non, du tout ! Dick va mettre un bonnet de nuit à ton traversin ; il va le coucher en long dans ton lit, et commander trois pintes de tisane à la servante de la maison. Surtout il va prendre la clef de cette chambre dans sa poche, et s’installer devant la porte avec une