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Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/91

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— Êtes-vous bien sûr, en effet, de ne l’avoir eue jamais ? dit Lavinia avec son triste sourire.

— Eh bien, je serai franc, dit M. de Morangy avec un accent de vérité où la manière du grand seigneur disparut entièrement. Peut-être l’ai-je eue avant de vous connaître, cette pensée que je repousse maintenant avec remords. Devant vous la feinte est impossible, Lavinia ; vous subjuguez la volonté, vous anéantiriez la ruse, vous commandez la vénération. Oh ! depuis que je sais ce que vous êtes, je jure que mon adoration a été digne de vous. Écoutez-moi, madame, et laissez-moi à vos pieds attendre l’arrêt de ma vie. C’est par d’indissolubles serments que je veux vous dévouer tout mon avenir. C’est un nom honorable, j’ose le croire, et une brillante fortune, dont je ne suis pas vain, vous le savez, que je viens mettre à vos pieds, en même temps qu’une âme qui vous adore, un cœur qui ne bat que pour vous.

— C’est donc réellement un mariage que vous me proposez ? dit lady Lavinia sans témoigner au comte une surprise injurieuse. Eh bien, monsieur, je vous remercie de cette marque d’estime et d’attachement.

Et elle lui tendit la main avec cordialité.

— Dieu de bonté ! elle accepte ! s’écria le comte en couvrant cette main de baisers.

— Non pas, monsieur, dit Lavinia ; je vous demande le temps de la réflexion.

— Hélas ! mais puis-je espérer ?

— Je ne sais pas ; mais comptez sur ma reconnaissance. Adieu. Retournez au bal ; je l’exige. J’y serai dans un instant.

Le comte baisa le bord de son écharpe avec passion et sortit. Aussitôt qu’il eut refermé la porte, Lionel écarta tout à fait le rideau, s’apprêtant à recevoir de