Aller au contenu

Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le bienfait au gré de leurs spéculations particulières, on sait avec quelle équité, avec quelle sagesse ! Il faut au moins deux ans pour que le plus simple progrès dans l’industrie apporte une jouissance ou un allègement aux habitants du centre de la France. Les provinces les plus fécondes en produis agricoles et industriels sont celles où les citoyens en profitent le moins. Tous nos propriétaires, tous nos fermiers du Berry alimentent de bœufs gras les marchés de Paris : de mémoire d’homme, riche ou pauvre n’a mangé, en Berry, que la vache, ou, ce qui est pis, de la chair de bœuf malade. Je n’en sais rien, mais je gagerais qu’on boit de mauvais vin en Bourgogne, et qu’à Elbeuf on connaît à peine les vêtements de drap. Du moins je suis sûre que nulle part le peuple ne participe aux bienfaits de la production qui éclôt sous ses mains. Tout s’absorbe vers le centre ; il n’en revient que de l’argent ; produit stérile, jouissance fictive qui ne descend pas jusqu’aux classes moyennes. L’argent dans leur main n’est qu’un moyen de continuer le commerce de l’argent ; et le laborieux spéculateur meurt à la peine de la richesse, sans y avoir soupçonné une source féconde pour le bien-être et le progrès moral de ses semblables.

En retour de ses écrivains, de ses artistes, de ses savants, de ses poètes, de ses industriels et de ses penseurs, Paris envoie bien, il est vrai, quelques hommes à la province ; il lui envoie des préfets, des