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Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/117

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y a tant de prétendues vérités qui finissent par être des mensonges !

On pense que la morale évangélique ne peut pas exister privée du dogme catholique, et que ce dogme est si parfait, si savant, si complet, qu’on n’en peut retirer une pierre sans jeter à bas l’édifice. Il nous semble que l’édifice est à bas en effet, car on lui a retiré une à une toutes ses pierres, et il y a déjà bien longtemps que la chose est ainsi.

Comment n’est-on pas frappé de ce fait : Jusqu’à notre première République, on démolit l’Église ; Voltaire lui porte les derniers coups ; et alors, malgré Rousseau, qui proteste pour sauver l’Évangile, l’Évangile disparaît sous les ruines du temple catholique. Camille Desmoulins nous parle bien un peu du sans-culotte Jésus ; mais l’Église combat, boude, s’exile, et revient en triomphe dans les carrosses de l’Empire, pour rebénir les autels profanés et sacrer un nouveau Charlemagne. La foi ne revient point avec elle. La Restauration nous ramène le règne des cagots ; et, sauf quelques vieilles bonnes gens, personne ne croit, Louis-Philippe, après quelques taquineries, finit par s’entendre avec l’Église, et le voltairianisme coudoie le jésuitisme, chacun cherchant à tromper l’autre. Durant ce combat qui n’aboutit à rien, le peuple reste indifférent ; il se sépare de l’Église, sans bruit, sans colère, sans rancune : il oublie qu’elle existe ; s’il y entre, c’est pour entendre de la musique et voir des cérémonies ; mais sa lutte contre le clergé est finie ; le fantastique des mystères ne le touche plus : tout