Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/235

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corps politique, ou, au moins, dans une confédération d’États soumise à la direction d’un pouvoir central suprême. » Metternich disait vrai, seulement toute l’Italie était faction.

Ce fut un moment sublime que le frémissement d’une nation et le tintement de l’heure qui devait apporter dans le monde de Dieu une nouvelle vie collective, l’apostolat de vingt-six millions d’hommes, aujourd’hui muets, qui auraient annoncé aux nations, leurs sœurs, la parole de paix, de fraternité et de vérité. Si dans l’âme de ceux qui régnaient eût couvé une seule étincelle de la vie italienne, ils auraient été émus, ils auraient oublié dynastie, couronne et pouvoir, pour se faire les premiers soldats de la sainte croisade, et ils se seraient dit : « Mieux vaut une heure de communion dans une grande pensée avec un peuple qui ressuscite, que toute une existence dans la solitude d’un trône menacé par les uns et méprisé par les autres. » Mais, par un décret de la Providence, qui veut substituer l’ère des peuples à celle des rois, les princes ne peuvent désormais s’élever jusqu’à cette idée : ils se jouèrent de la généreuse mais imprudente tendance qui poussait les peuples à oublier et à sacrifier la liberté civile à l’espoir de l’indépendance nationale. Ils trahirent l’une et l’autre ; et, trompant le plus beau mouvement populaire qui fut jamais, ils nous repoussèrent dans l’abîme où nous sommes aujourd’hui.

Entre le supplice des frères Bandiera et la mort de Grégoire XVI, une race d’esprits avait surgi, qui,