Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bien différents des courtisans qui trahissent, mais encore plus dangereux pour l’homme d’intelligence qui les consulte, car leur encens, moins grossier, monte plus haut et persuade à l’homme qu’il est plus que les autres hommes Voilà votre mal, chefs de secte, vous méprisez l’ignorance et vous froissez sans charité, non seulement ceux qui vous contredisent, mais encore ceux qui ne vous comprennent pas. Vous avez eu des ennemis, il est vrai, des ennemis injustes, aveugles ; mais, quand vous n’en avez plus, pourquoi combattez-vous encore ? Pourquoi vous êtes-vous drapés avant l’heure dans le manteau de la persécution ? Si vous la provoquez, elle vous atteindra, car la persécution est une force aveugle, poltronne par nature, et par cela même féroce. C’est un monstre qu’il faudrait laisser dormir. L’orgueil l’irrite et la déchaîne, cachez donc votre orgueil.

Sous la République rien ne doit conspirer, ni le progrès, ni la réaction. Le progrès est par lui-même la grande, la seule conspiration permise à la face du ciel. Que le peuple se rassemble par grandes masses, et qu’il émette ses vœux, sans autres armes que celles de la parole sincère et paternelle, il n’y a pas là de conspiration. Que des clubs, des associations se réunissent et s’entendent la veille pour exprimer en commun leurs désirs, il n’y a point là de conspiration. Que les sectes se joignent à ces manifestations avec la résolution de s’en remettre à la décision unanime, ou de se retirer calmes et silencieuses si le jour d’avènement de leur pensée n’est pas venu, tout cela