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Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/363

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quelques modifications, ces traditions se retrouvent, non seulement dans toute la France, mais encore dans presque toute l’Europe, on ne niera pas l’utilité et l’intérêt de cette recherche. Et d’ailleurs, avons-nous bien envie dérailler les visions et les crédulités des gens de campagne, nous qui voyons la croyance passionnée aux tables parlantes et aux jongleries à la mode des médiums défrayer les loisirs et enflammer les imaginations du plus beau monde ? Je n’y vois qu’une différence, c’est que la vieille légende populaire est plus intéressante et plus originale que toutes ces inventions modernes, et que ces symboles ont un sens logique et moral très préférable aux balourdises ou aux caprices absurdes des esprits frappeurs. Cet animal qui se fait porter, n’est-ce pas le sensualisme, qui, laid comme une bête et lourd comme un remords, pèse sur l’ivrogne attardé ? Ce follet railleur qui le jette parterre et lui emmène son cheval, n’est ce pas la personnification de sa propre malice ou de sa propre ambition, qui, folle et quinteuse, emporte sa force, et le laisse, étourdi et brisé, dans la nuit et dans la solitude, auprès de ces pierres druidiques où le diable cache des trésors ? Tous ces fantômes qui poursuivent les méfaits nocturnes, sont des esprits bien avisés, qui avertissent, répriment ou châtient. C’est une histoire naïve, poétique ou divertissante, des tourments, et, par conséquent, des progrès de la conscience populaire.

14 juillet 1857.