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Page:Sand - Souvenirs et Idées.djvu/154

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Elle avait atteint loin de mes yeux un développement plus avancé, elle était arrivée à l’éclat de toute sa beauté sortie de la première adolescence, mais c’était elle. Nulle autre qu’elle ne pouvait marcher ainsi et tous ses mouvements vibraient dans mes fibres.

Alors je ne pus m’empêcher de lui dire :

— Lorsque vous marchiez ainsi devant moi sur la terre des hommes, moi déjà vieille et souvent fatiguée, j’avais peine à suivre la trace de vos petits pieds sur le sable ; mais, comme aujourd’hui, je retrouvais tout à coup des forces en vous voyant bondir comme un jeune chevreau, et la plénitude de votre vie souriante et forte passait de mon cœur dans ma volonté et de ma volonté dans tous mes membres. Je me sentais redevenir jeune avec vous, et vous m’eussiez conduite de bonds en bonds, et de rires en rires au bout du monde.

Elle se retourna surprise et un peu méfiante, quoique toujours douce et affectueuse.

— Attendez, me dit-elle, ne vous pressez pas tant de croire que je suis une partie de votre être. Le mien a été brisé brusquement et cruellement je le sais, dans un autre monde.