Aller au contenu

Page:Sand - Tamaris.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

flot. Je rêvais aussi aux délices des belles nuits d’été, aux harmonies de la brise marine, à la succession de spectacles enchanteurs, que la lune prodigue aux montagnes désertes et aux noirs écueils plongés dans la vague phosphorescente. Être sans besoins, sans appréhensions personnelles sous ce toit de branches, sans souvenirs et sans projets, et posséder à soi tout seul, pendant des saisons entières, le tableau grandiose de la nature à tous les moments de sa vie mystérieuse, compter ses pulsations, respirer ses parfums sauvages, étudier ses moindres habitudes, connaître les moindres phases de tous ses modes d’existence et de manifestation depuis le sommeil du brin d’herbe jusqu’à la marche du nuage, et depuis le réveil bruyant de l’oiseau de proie jusqu’au muet travail de décomposition du rocher ! L’homme du peuple sent vaguement ces jouissances, mais la continuité de sa contemplation forcée le blase et l’attriste. Il arrive à participer au calme stupéfiant de la pierre rongée par la lune ou à la monotonie du mouvement des ondes fouettées par le vent. L’homme intelligent résisterait davantage, mais il pourrait bien s’exaspérer tout à coup contre l’assouvissement de sa jouissance ; car, il n’y a pas à dire, c’est un idéal pour tous les amants de la nature que de se trouver aux prises avec elle dans un lieu déterminé, sans être rappelé à chaque instant aux obligations de la vie sociale ; mais l’habitude de cette