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Page:Sand - Tamaris.djvu/130

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— N’importe, chère et digne femme, pensai-je, j’irai avec joie.

— Eh bien, me dit Marescat en me ramenant à Tamaris, vous avez revu la Zinovèse ? Mais elle ne vous a pas tout dit, allez ! Et moi, je vous dirai tout, si vous voulez. Elle est malade d’amour.

J’essayai de changer la conversation, il y revint plusieurs fois. Il aimait à causer dans un langage impossible, dont je ne saurais donner aucune idée. Il avait beaucoup voyagé, il avait été conducteur d’omnibus en Afrique, où il avait appris un peu d’arabe ; il avait été au siège de Sébastopol, et puis en Grèce et en Turquie, pour voiturer des vivres et des effets de campagne. Il savait donc s’expliquer en russe, en grec moderne et en turc. Il joignait à cela un peu d’anglais et d’italien à force de conduire des étrangers de Toulon à Nice et réciproquement, si bien qu’à force de cultiver les langues étrangères, il n’en savait aucune et parlait le français le plus étrange que j’aie jamais entendu. Je l’écoutais avec plaisir et curiosité. La construction de sa phrase était aussi originale que le choix de ses mots ; mais je n’essayerai guère de l’imiter, j’y perdrais ma peine.

Quand je vis à son insistance qu’il était en possession de quelque secret dont il avait besoin de se débarrasser, plutôt par tourment de conscience que par bavardage, je l’interrogeai sérieusement.

— Eh bien, me dit-il, gardez ça pour vous tout