Page:Sand - Tamaris.djvu/159

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cer par Pasquali. Elle n’avait pas dit non, et elle ne disait pas oui en me voyant. Elle se méfiait, elle avait peur : sa gaucherie française n’était pas sans mélange de majesté asiatique ; mais peu à peu, voyant mes bonnes intentions, elle s’est humanisée, rassurée, et, au bout d’une heure, elle m’appelait sa meilleure, sa seule amie ; elle m’accablait de caresses enfantines et consentait à tout ce que j’exigeais d’elle.

— Et qu’exigiez-vous donc ?

— Je n’exigeais pas, comme Pasquali, qu’elle quittât sa maison : c’était trop demander du premier coup ; mais je voulais qu’elle en sortît plus souvent et plus longtemps chaque jour. Figurez-vous qu’elle ne sort qu’à la nuit tombante ou à la première aube, pour aller de temps en temps, à trois pas de là, prier sur la tombe de son père, dans le cimetière de la Seyne ! Elle ne connaît donc le soleil et la lune que de vue ; car elle parcourt cette petite distance sur son âne, et, dès que la chaleur se fait sentir, elle s’enferme à triple rideau pour végéter dans l’ombre, la rêverie oisive et l’immobilité délétère. Certes elle ne peut pas durer à ce régime, et le moins qui puisse lui arriver, c’est d’y devenir idiote ou paralytique. J’ai donc obtenu d’elle que, deux fois par semaine, elle viendrait me voir, à pied, après sa sieste, à midi, et que, deux autres fois par semaine, elle viendrait se promener dans la calèche avec moi.