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Page:Sand - Tamaris.djvu/172

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allait. Les plantes des régions élevées se montraient et commençaient à m’intéresser ; enfin la sensation de la solitude absolue exerçait sa magie sur mon imagination, quand j’entendis une voix forte qui semblait déclamer avec emphase dans le silence profond de ce sanctuaire.

Je marchai dans la direction de la voix, et vis mon vieux charbonnier qui courait les bras étendus vers la cime, parlant haut, gesticulant et comme en proie à une sorte de vertige. Je l’observai et me convainquis bientôt qu’il était un de ces sorciers de campagne qui croient à leurs conjurations. Je me rappelai que, dans le pays, la race des charbonniers et des autres ouvriers forestiers de montagne passe pour très-exaltée. On m’avait assuré que beaucoup d’entre eux devenaient fous, ou tombaient dans une mélancolie noire qui les conduisait au suicide. C’est qu’en effet l’austérité des montagnes de Provence semble un milieu impossible pour cette race éminemment matérialiste et portée à l’activité de la vie pratique. Le Provençal est poëte à la manière des Italiens : tout est image pour lui et son langage figuré, orné de comparaisons et de métaphores, prouve qu’il ne subit pas la contemplation à l’état de rêverie ; il a besoin de réagir contre la nature, et quand elle réagit sur lui, il doit en être écrasé.

Mon sorcier était, à coup sûr, à moitié fou : mais il n’agissait pourtant pas au hasard. Il se baissait et