Page:Sand - Tamaris.djvu/197

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» J’étais absent alors, je voyageais avec ce cher neveu que j’ai perdu, et dont la santé m’inquiétait déjà beaucoup ; je sus le mariage d’Yvonne trop tard pour l’empêcher.

» Le marquis d’Elmeval, que je te présente non pas comme un homme odieux, mais comme un esprit faussé et un cœur usé sans ressources, s’était peut-être flatté d’aimer sérieusement sa femme ; mais il n’en vint pas à bout. Il était trop tard pour qu’il pût se passer d’une vie d’excitation et de plaisirs déréglés. La chasteté d’Yvonne l’étonna sans le charmer : il la vit si incorruptible, qu’il n’osa pas y porter atteinte ; d’ailleurs, il était trop fin pour chercher à démoraliser cette jeunesse destinée à survivre à la sienne. Il s’ennuya de la pureté de la vie conjugale ; je crois aussi qu’il fut très-piqué, lui qui avait encore des prétentions, de ne pas inspirer de passion à cette jeune femme qui le traitait avec un respect filial. Il ne se fâcha ni ne se plaignit ; mais, au bout d’un an, il y avait scission absolue dans leur intimité, et il courait de plus belle les amusements qui ne rajeunissent pas.

» Yvonne se vit délaissée sans y rien comprendre. Elle était mère et se croyait à l’abri du chagrin ; toute l’énergie de ses affections s’était concentrée sur cet unique enfant. Elle eût voulu l’emporter à la campagne et lui consacrer tous les instants de sa vie ; mais le marquis haïssait la campagne, et, comme