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Page:Sand - Tamaris.djvu/201

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et, quand même j’aurais eu la jeunesse, je n’aurais pas eu le prestige. Au moins le marquis avait encore une jolie figure à cinquante-cinq ans ; mais avec sa figure je n’aurais pas été plus avancé. Jamais je ne me serais contenté de l’amitié d’une femme comme Yvonne. N’es-tu pas étonné qu’elle n’inspire pas quelque grande passion, que quelque enragé sans espoir ne l’ait pas suivie et ne rôde pas la nuit sous son balcon ?

— On n’est pas enragé quand on n’a pas le moindre espoir, répondis-je, et, d’ailleurs, les hommes de ce temps-ci se piquent de n’avoir plus de jeunesse. L’amour est passé de mode, il tend à disparaître, comme tout ce que l’hypocrisie change en vice, ou la cupidité en calcul.

— Eh bien, voyons, reprit le baron après une pause, qu’est-ce que tu penses de ce la Florade, qui érige en principe l’amour avant tout et au-dessus de tout ?

— Mon ami, répondis-je avec le calme d’un homme qui se réveille dans une autre vie après avoir rompu avec toutes les joies de la terre, parlez-moi ouvertement. La Florade est épris de la marquise, je le sais ; la marquise songe à se remarier, cela doit être, et vous n’êtes pas éloigné de protéger la Florade ? Voilà pourquoi vous m’interrogez.

— Il n’y a de certain que le premier point, dit le baron. Quant au second, je n’en sais rien : quant au