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Page:Sand - Tamaris.djvu/296

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savais que les douaniers allaient partout sur le flanc de ces rochers ; mais il y avait un endroit où Estagel seul passait quelquefois sans quitter le ras du flot. Il me l’avait dit précisément la veille, durant notre promenade, en passant sur le haut de la coupure à pic. Il fallait, pour suivre la base de cet escarpement terrible, sauter d’une roche à l’autre, et ces roches, mouillées d’écume et couvertes de varechs glissants, n’avaient rien de rassurant ; mais j’avais donné ma vie à la marquise, et il s’agissait de retrouver celui qu’elle aimait sans doute plus que ma vie et la sienne propre. Je passai sans crainte et sans accident, et j’arrivai à une petite anse de sable au revers du cap Sicier, au pied d’une muraille de schistes ébréchés et redressés verticalement. Le soleil était levé ; mais le rayonnement court de son gros spectre rouge ne m’arrivait qu’à travers le brouillard encore étendu sur ma tête. Le lieu où je me trouvais était sinistre ; aucun moyen visible d’aller plus avant ni de remonter la falaise. Une végétation dure, tordue et noire, des passerines et des staticées desséchées par le vent salé, tapissaient les flancs inférieurs de cette espèce de prison. Devant moi, de grosses roches anguleuses, pics sous-marins plongés à demi dans le flot et à demi dans le sable, s’enlevaient en blanc livide sur le bleu ardoisé de la mer. Je remarquai rapidement l’horreur de cette retraite, qui n’avait pas même tenté les oiseaux du rivage, et je repris haleine un instant.