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Page:Sand - Tamaris.djvu/82

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instant ! mais elle m’a vu ému malgré moi. Elle n’a pas compris l’espèce de combat dont je voulais triompher. Elle ne sait pas la différence qui existe entre le cœur et l’imagination. Elle n’y comprendra jamais rien. Elle croit que je l’aime, mais qu’un autre engagement me défend de le lui dire. Elle espère toujours. Elle croit que mes rares et courtes visites sont aussi un engagement que j’ai contracté avec elle. Elle me dispute à une rivale imaginaire. Elle est malade et abattue quand elle ne me voit pas : elle préfère mes duretés et ma froideur à mon absence. Je l’ai revue encore une ou deux fois. Aujourd’hui, elle m’a dit qu’elle ne se marierait jamais qu’avec moi, et qu’elle se tuerait si j’en épousais une autre. Il n’y a rien de plus stupide qu’un homme qui croit à ces menaces-là et qui les raconte : pourtant voyez la situation exceptionnelle de cette fille ! Songez à la fin horrible de son père, à l’hérédité possible de certaines affections du cerveau, à l’abominable influence de la bastide Roque… Voilà où j’en suis ; dites-moi ce que vous feriez à ma place…

— Je ne sais pas, répondis-je.

— Comment, vous ne savez pas ?

— Non, il m’est impossible de me mettre à votre place, précisément parce que je ne m’y serais pas mis. Je ne serais pas retourné chez mademoiselle Roque, si je m’étais senti inflammable comme vous l’êtes !