Aller au contenu

Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Scène XIII


MOLIÈRE, ARMANDE.


MOLIÈRE, assis, d’un air accablé.

Je vous le disais bien, Armande, que vous ne preniez nul souci de ma pauvre comédie !

ARMANDE.

Je sais pourtant qu’elle a grandement réussi.

MOLIÈRE.

Comment le sauriez-vous ? Vous n’y étiez point !

ARMANDE.

Ne savais-je point qu’elle est bonne, et croyez-vous que je m’y connaisse si peu que de douter de la fortune de vos ouvrages.

MOLIÈRE.

Je donnerais volontiers ce beau compliment de coulisse pour un regard d’intérêt quand je suis en scène. C’est là que j’aurais besoin d’un cœur qui envoyât un peu de chaleur au mien.

ARMANDE.

Ne savez-vous point que j’étais retenue ici par la présence de M. le Prince ?

MOLIÈRE.

Oui, ou par les fadeurs de quelque officier du palais, ou bien par les enfantillages de Baron, que sais-je ? vous ne vous plaisez qu’à des riens, et vous avez toujours quinze ans !

ARMANDE.

Non, mon ami ; j’en ai vingt-cinq, et je m’en aperçois, car je raisonne, je réfléchis et je comprends.

MOLIÈRE.

Eh bien, moi qui n’ai plus vingt-cinq ans, je ne donne point encore à ces froides combinaisons de l’esprit le temps que je puis dérober aux affaires. C’est mon cœur qui me