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Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/388

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que M. Lulli a mis tout de suite sur un air fort gai, et les voilà qui, à cette heure, pleurent, rient et chantent sans savoir pourquoi.

MOLIÈRE.

Qu’est-ce que l’homme ? Un être qui s’étourdit ou se lamente sans jamais trouver le calme de son jugement ou le repos de son cœur ! Toujours la douleur au fond de la gaieté et le désespoir même dans l’ivresse !… Mais la Fontaine, est-ce qu’il est toujours là ?

BARON.

Il est parti sur le minuit, trouvant qu’il en avait assez, mais sans s’être douté qu’ils l’avaient raillé et mystifié tout le temps. Il était encore plus distrait que de coutume.

MOLIÈRE.

Ils le raillent toujours, mais ils auront beau se trémousser, aucun d’eux n’effacera le bonhomme ! Ah çà !… quelle heure est-il, Baron ?

BARON.

Je ne sais pas bien ; il fait grand jour, et vos convives se disposent à partir. M. Boileau a fait pour vous ces vers-ci, qu’il m’a chargé de vous remettre en manière d’adieu et de remercîments.

MOLIÈRE, prenant les vers.

Va donc les accompagner, et puis tu iras te coucher. Je n’aime point ces veilles-là et ces excès à ton âge.

BARON.

Il fallait bien leur faire les honneurs en votre place.

MOLIÈRE.

Sans doute ! Et la pauvre Laforêt, elle a été debout aussi toute la nuit ?

BARON.

Et, comme de coutume, sans se plaindre.

MOLIÈRE.

Mes pauvres enfants, j’ai des amis bien indiscrets, qui ne respectent ni votre santé ni ma maladie. Je ferais volontiers une rente à Chapelle pour qu’il allât régaler sa compagnie