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Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/62

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on croira que je me rattrape à la petite fortune de Françoise. Elle pourra le croire elle-même, le jour où elle s’apercevra que je n’ai pas le courage d’un héros et les mœurs d’un patriarche ! Voyons, les choses en sont-elles à ce point ? Est-il possible que mon père soit ruiné entièrement ? J’irai en Bretagne, oui ! il me recevra mal, mais je braverai sa mauvaise humeur et je connaîtrai mon sort. Voilà ce qu’il faut faire, et bien vite, avant de revoir Françoise… On m’a donné un quart d’heure. Laissons-lui un mot qui me dispense d’une explication pénible, un motif qui ajourne tout projet… C’est cela…

Il s’assied sur la causeuse et écrit.
CLÉONICE, entrant sur la pointe du pied.

Ils sont tous ici, et je peux revenir m’assurer qu’on ne s’est aperçu de rien. (Voyant Henri.) Ah ! c’est le jeune comte ; sachons s’il n’a pas vu fuir mon maudit cousin. (Elle tousse. — Henri se lève.) Continuez, monsieur ! vous êtes occupé ; moi, je viens voir Françoise. C’est bien là le salon ? (Avec intention.) Je ne suis jamais venue ici, moi. (À part.) Pas le plus petit sourire d’incrédulité… Allons, je respire ; d’ailleurs, s’il m’avait aperçue,… j’ai changé de toilette.

HENRI, préoccupé.

Je vais faire avertir mademoiselle Laurent…

CLÉONICE.

Non ! elle est occupée aussi, à ce que l’on a dit à ma gouvernante. Je l’attendrai. (Henri fait le mouvement de sortir.) Mon Dieu, monsieur, comme vous avez peur d’avoir ma visite sur les bras ! Vous écriviez ? Ne vous dérangez donc pas. Je n’ai pas besoin qu’on me tienne compagnie. J’aime la solitude.

Elle prend un livre.
HENRI, à part.

Drôle de petite fille ! (Agité, se remettant à écrire. — Haut.) Puisque vous l’exigez… C’est bien grossier de ma part… mais…