Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/39

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FRANCINE, étonnée.

Comment peux-tu savoir ?… J’étais seule ; c’est donc toi qui retenais la vague ?

LE DRAC.

C’est moi qui, berçant toujours tes fantaisies et caressant ton espérance, t’ai empêchée de mourir de chagrin.

FRANCINE.

Eh bien, alors, oui ! tu dois être mon ami. On dit que les dracs sont bons pour ceux qu’ils aiment !

LE DRAC.

Je t’aimais d’un pur amour, Francine. Ton âme était ma sœur, et je ne voulais que ta confiance. J’ai pris la forme humaine pour l’avoir tout à fait, pour t’annoncer le retour de Bernard, pour contempler ton sourire et baiser tes larmes de joie… Mais, sous cette forme, j’ai senti en moi un feu étrange, la jalousie, la colère, la haine, la passion ! Renonce à Bernard, Francine ; il le faut, je le veux !

FRANCINE.

Tu demandes l’impossible ! Je ne veux pas oublier Bernard, et je ne peux pas t’aimer !

LE DRAC.

Alors souviens-toi de ce que je te dis ! Si tu restes triste et seule, si tu chasses mon rival, tu verras tout réussir dans ta vie ; sinon, malheur à lui, malheur à toi, malheur à ta maison, à tes parents, malheur à tous ceux que tu aimes ! (Il sort. Francine, effrayée, tombe sur une chaise.)