Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dit Pierre en s’adressant à sa mère ; y comprenez-vous quelque chose ?

— Mais oui, je comprends, répondit madame André, et ce n’est pas la première fois que Marianne se tourmente de cette idée-là. Moi, je ne peux pas lui répondre. J’ai appris ce qu’on m’a enseigné étant jeune, c’est le nécessaire pour une pauvre bourgeoise de campagne ; mais cela ne va pas loin, et il y a beaucoup de choses dont je ne parle jamais parce que je n’y entends goutte. Tout l’esprit que peut montrer une femme dans ma position, c’est de ne pas faire de questions pour ne pas montrer à nu sa parfaite ignorance. Marianne ne se contente pas d’avoir du tact et de savoir ce qui est nécessaire à l’emploi de sa vie, elle voudrait savoir causer de tout avec les personnes instruites.

— Permettez, madame André, dit Marianne, je voudrais être instruite, non pas tant pour le plaisir des autres que pour le mien. Je vois, par exemple, que mon parrain est heureux de se promener tout seul des journées entières en pensant à tout ce qu’il sait, et je voudrais savoir s’il est plus heureux que moi qui me promène beaucoup aussi sans rien savoir et sans songer à rien.

— Tiens ! s’écria André surpris, voilà que tu mets justement le doigt sur une clef que je n’ai jamais su tourner pour découvrir le secret de la rêverie.