Page:Sand - Valentine, CalmannLévy, 1912.djvu/115

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avec laquelle il était résolu d’accueillir toutes les démarches de Valentine.

La confiance de son mari, dont elle attribua les motifs à de plus nobles causes, tourmenta longtemps Valentine en secret. Cependant peu à peu les susceptibilités de son esprit rigide s’engourdirent et se reposèrent dans le sein de Bénédict. Tant de respect, de stoïcisme, de désintéressement, un amour si pur et si courageux, la touchèrent profondément. Elle en vint à se dire que, loin d’être un sentiment dangereux, c’était là une vertu héroïque et précieuse, que Dieu et l’honneur sanctionnaient leurs liens, que son âme s’épurait et se fortifiait à ce feu sacré. Toutes les sublimes utopies de la passion robuste et patiente vinrent l’éblouir. Elle osa bien remercier le ciel de lui avoir donné pour sauveur et pour appui, dans les périls de la vie, ce puissant et magnanime complice qui la protégeait et la gardait contre elle-même. La dévotion jusqu’alors avait été pour elle comme un code de principes sacrés, fortement raisonnés et gravement repassés chaque jour pour la défense de ses mœurs ; elle changea de nature dans son esprit, et devint une passion poétique et enthousiaste, une source de rêves ascétiques et brûlants, qui, bien loin de servir de rempart à son cœur, l’ouvrirent de tous côtés aux attaques de la passion. Cette dévotion nouvelle lui sembla meilleure que l’ancienne. Comme elle la sentit plus intense et plus féconde en vives émotions, en ardentes aspirations vers le ciel, elle l’accueillit avec imprudence, et se plut à penser que l’amour de Bénédict l’avait allumée.

« De même que le feu purifie l’or, se disait-elle, l’amour vertueux élève l’âme, dirige son essor vers Dieu, source de tout amour. »

Mais, hélas ! Valentine ne s’aperçut point que cette foi, retrempée au feu des passions humaines, transigeait souvent avec les devoirs de son origine, et descendait à des alliances terrestres. Elle laissa ravager les forces que vingt ans de calme et d’ignorance avaient amassées en elle ; elle la laissa envahir et altérer ses convictions, jadis si nettes et si rigides, et couvrir de ses fleurs trompeuses l’âpre et étroit sentier du devoir. Ses prières devinrent plus longues ; le nom et l’image de Bénédict s’y mêlaient sans cesse, et elle ne les repoussait plus ; elle s’en entourait pour s’exciter à mieux prier : le moyen était infaillible, mais il était dangereux. Valentine sortait de son oratoire avec une âme exaltée, des nerfs irrités, un sang actif et brûlant ; alors les regards et les paroles de Bénédict ravageaient