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Page:Sand - Valentine, CalmannLévy, 1912.djvu/60

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qui ne s’apercevaient de rien, restèrent seuls dans la ravine, à deux pas l’un de l’autre, Valentine assise et feignant de jouer avec des pâquerettes, Bénédict couché, pressant ce mouchoir brûlant sur son front, sur son cou, sur sa poitrine, et regardant Valentine, d’un regard dont elle sentait le feu sans oser le voir.

Elle resta ainsi sous le charme de ce fluide électrique qui à son âge et à celui de Bénédict, avec des cœurs si neufs, des imaginations si timides et des sens dont rien n’a émoussé l’ardeur, a tant de puissance et de magie ! Ils ne se dirent rien, ils n’osèrent échanger ni un sourire ni un mot. Valentine resta fascinée à sa place, Bénédict s’oublia dans la sensation d’un bonheur impétueux, et, lorsque la voix de Louise les rappela, ils quittèrent à regret ce lieu où l’amour venait de parler secrètement, mais énergiquement, au cœur de l’un et de l’autre,

Louise revint vers eux.

— Athénaïs est fâchée, leur dit-elle. Bénédict, vous la traitez mal ; vous n’êtes pas généreux. Valentine, dites-le-lui, ma chérie. Engagez-le à mieux reconnaître l’affection de sa cousine.

Une sensation de froid gagna le cœur de Valentine. Elle ne comprit rien au sentiment de douleur inouïe qui s’empara d’elle à cette pensée. Cependant elle maîtrisa vite ce mouvement, et regardant Bénédict avec surprise :

— Vous avez donc affligé Athénaïs ? lui dit-elle dans la sincérité de son âme ; je ne m’en suis pas aperçue. Que lui avez-vous donc dit ?

— Eh ! rien, dit Bénédict en haussant les épaules ; elle est folle !

— Non ! elle n’est pas folle, dit Louise avec sévérité, c’est vous qui êtes dur et injuste. Bénédict, mon ami, ne troublez pas ce jour, si doux pour moi, par une faute nouvelle. Le chagrin de notre jeune amie détruit mon bonheur et celui de Valentine.

— C’est vrai, dit Valentine en passant son bras sous celui de Bénédict à l’exemple de Louise, qui l’entraînait de l’autre côté. Allons rejoindre cette pauvre enfant, et, si vous avez eu en effet des torts envers elle, réparez-les, afin que nous soyons toutes heureuses aujourd’hui.

Bénédict tressaillit brusquement dès qu’il sentit le bras de Valentine se glisser sous le sien. Il le pressa insensiblement contre sa poitrine, et finit par l’y tenir si bien qu’elle n’eût pas pu le retirer sans avoir l’air de s’apercevoir de son émotion. Il valait mieux