Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/172

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informes ; à purifier les métaux, à embellir les plantes ; à dégager ou combiner les principes ; à changer les substances grossières en substances volatiles, et la matière inerte en manière active ; à rapprocher de lui les êtres moins avancés, et à s’élever et s’avancer lui-même vers le principe universel de feu, de lumière, d’ordre, d’harmonie, d’activité.

Dans cette hypothèse , l’homme qui est digne d’un aussi grand ministère, vainqueur des obstacles et des dégoûts, reste à son poste jusqu’au dernier moment. Je respecte cette constance ; mais il ne m’est pas prouvé que ce soit là son poste. Si l’homme survit à la mort apparente, pourquoi, je le répète, son poste exclusif est-il plutôt sur la terre que dans la condition, dans le lieu où il est né ? Si au contraire la mort est le terme absolu de son existence, de quoi peut-il être chargé, si ce n’est d’une amélioration sociale ? Ses devoirs subsistent ; mais, nécessairement bornés à la vie présente, ils ne peuvent ni l’obliger au delà, ni l’obliger de rester obligé. C’est dans l’ordre social qu’il doit contribuer à l’ordre. Parmi les hommes il doit servir les hommes. Sans doute l’homme de bien ne quittera pas la vie tant qu’il pourra y être utile : être utile et être heureux sont pour lui une même chose. S’il souffre, et qu’en même temps il fasse beaucoup de bien, il est plus satisfait que mécontent. Mais quand le mal qu’il éprouve est plus grand que le bien qu’il opère, il peut tout quitter : il le devrait quand il est inutile et malheureux, s’il pouvait être assuré que, sous ces deux rapports, son sort ne changera pas. On lui a donné la vie sans son consentement ; s’il était encore forcé de la garder, quelle liberté lui resterait-il ? Il peut aliéner ses autres droits, mais jamais celui-là : sans ce dernier asile, sa dépendance est affreuse. Souffrir beaucoup pour être un peu utile, c’est une vertu qu’on peut