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Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/84

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être calmé. Il y en a qui jouissent de leurs maux ; mais pour moi tout a passé : je n’ai ni joie, ni espérance, ni repos ; il ne me reste rien, je n’ai plus de larmes.

LETTRE XVI.

Fontainebleau, 12 août, II.

Que de sentiments généreux ! Que de souvenirs ! Quelle majesté tranquille dans une nuit douce, calme, éclairée ! Quelle grandeur ! Cependant l’âme est accablée d’incertitude. Elle voit que le sentiment qu’elle a reçu des choses la livre aux erreurs ; elle voit qu’il y a des vérités, mais qu’elles sont dans un grand éloignement. On ne saurait comprendre la nature, à la vue de ces astres immenses dans le ciel toujours le même.

Il y a là une permanence qui nous confond : c’est pour l’homme une effrayante éternité. Tout passe ; l’homme passe, et les mondes ne passent pas ! La pensée est dans un abîme entre les vicissitudes de la terre et les cieux immuables.

LETTRE XVII.

Fontainebleau, 14 août, II.

Je vais dans les bois avant que le soleil éclaire ; je le vois se lever pour un beau jour ; je marche dans la fougère encore humide, dans les ronces, parmi les biches, sous les bouleaux du mont Chauvet : un sentiment de ce bonheur qui était possible m’agite avec force, me pousse et m’oppresse. Je monte, je descends, je vais comme un homme qui veut jouir ; puis un soupir, quelque humeur, et tout un jour misérable.