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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/108

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MAROUSSIA

Mais pourquoi les yeux de ce soldat se fixaient-ils toujours sur elle ?

« Je vais le regarder aussi, » se dit Maroussia.

Et, réprimant son émotion, elle attacha à son tour ses regards sur lui.

Les yeux en question appartenaient à un sous-officier âgé, robuste, à la figure très-rude et en même temps très-intelligente.

Tout à coup il poussa son cheval en avant et se plaça tout près de Maroussia, comme pour la considérer de plus près. Il ne lui parla pas tout d’abord, mais ses yeux perçants semblaient dire :

« C’est pourtant étrange, une si petite fille menant une si grosse voiture ! Qui a pu choisir pour voiturier ce frêle jouet ? Qui a pu la laisser partir ainsi, toute seule, la nuit, quand la guerre est partout, quand les chemins sont si peu sûrs ? Pour un soldat, ça ne ferait pas une bouchée, cette petite fraise-là !

« Ton père et ta mère vivent-ils encore, petite fille ? » lui demanda-t-il enfin.

Croyant que Maroussia ne comprenait pas le russe, il traduisit sa question comme il put en ukrainien.

« As-tu encore ton père ? As-tu encore ta mère ?

— Oui, grâce à Dieu ! répondit Maroussia.

— Tous les deux ?

— Tous les deux. »

Il resta pensif un instant ; puis sa figure s’anima,