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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/188

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MAROUSSIA

— Cependant, dit le jeune officier blond, mettons-nous à leur place. Ce qu’ils font, ne le ferions-nous pas ? Il est toujours désagréable d’être pris de force, que diable ? Vous me direz que dans cent ans ils n’y penseront plus ; — pour ceux qui vivront dans cent ans vous parlez bien ; — mais pour ceux dont les chaumières sont en feu, parce qu’ils ont voulu les défendre, la question n’est pourtant pas la même.

— Un si petit peuple, une parcelle de peuple n’a pas le droit de vivre à sa guise. Il faut de grands empires pour accomplir de grandes choses.

— C’est possible. Mais vivre à sa guise dans un bon petit chez soi qu’on adore est une bonne affaire, sans contredit.

— L’amour de la patrie, bon pour les grandes nations, ne saurait être mauvais pour les petites, dit un jeune capitaine.

— Tu as d’autant plus raison, lui répondit philosophiquement le vieil officier, que ce qui est trop grand à la fin se disloque. J’ai parfois peur de toutes nos grandeurs. »

On voit que chacun parlait sans contrainte. Cela n’étonnera que ceux qui n’ont pas vécu dans les camps. La discipline n’y règne que sur les corps. Les langues y sont souvent moins qu’ailleurs asservies. L’âme libre se donne partout ses revanches.

On revint peu à peu sur la bataille de la veille et du matin.