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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/20

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MAROUSSIA

vez ce sentiment pour quelqu’un qui soit digne de l’inspirer, vous savez ce qu’il vaut. La parole d’un ami, le regard d’un ami, sa main dans la vôtre, sont les trois quarts du bonheur de la vie. Si vous ne l’avez jamais connu, ce bonheur, mes paroles ne vous l’apprendront pas. Méritez d’avoir des amis, nous causerons de l’amitié après ; mais, jusque là, fussiez-vous plus avisé que le grand Salomon lui-même, vous n’y pourriez rien comprendre.

Certes, on vivrait très-heureux dans un coin comme celui-là, si les hommes ressemblaient aux moutons, s’ils n’avaient à désirer que de gras pâturages.

Mais l’âme humaine a le droit de s’élever jusqu’à des aspirations plus hautes. Le vrai bonheur d’un peuple ne saurait se faire de la seule satisfaction des besoins matériels, le contentement moral peut seul donner le goût qu’il faut au pain qu’on mange. Or, je vous l’ai déjà donné à entendre, et vous m’avez compris à demi-mot : le trouble régnait partout. Le pays fatigué, tiré dans un sens par les Russes, dans un autre par l’aristocratie polonaise, écrasé des deux côtés, le pays était en pleine révolte et regrettait amèrement son indépendance perdue. L’Ukraine était envahie par les troupes russes. Le chef du parti moscovite était comblé des faveurs et des présents du tsar ; le chef du parti polonais s’était fortifié dans une ville et invitait tous les amis de la liberté à venir se joindre à lui.