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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/209

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LE BUT. — ET APRÈS.

était le gué ; mais pas plus que moi, avec l’autre, vous n’atteindrez le rivage. Notre pays sans frontière, sans forces, sans union, sans conseils, n’est plus qu’une maison ouverte à tous les vents, et nos voisins sont bien bêtes de nous faire la guerre ; ils pourraient attendre tout de nos seules discordes.

— Nos discordes ? Quelle en est la cause principale, sinon ce commandement à deux têtes ? répondit froidement Tchetchevik. Il faut dans l’effort rétablir l’unité. Il n’est d’espoir, de salut que là. »

Le grand ataman se sentit comme brûlé par un fer chaud. Il fit quelques tours dans la chambre, pareil à un lion blessé. Puis, ayant ouvert la fenêtre, son regard plongea dans les ténèbres de la nuit.

Le silence était tel et telle l’émotion de l’ataman, que Maroussia, bien qu’elle fût à l’autre extrémité de la pièce, crut entendre les battements de ce cœur déchiré.

Rafraîchi par l’air de la nuit, calmé par son silence même, il revint se placer devant la petite table, en face de Tchetchevik.

« Au moins, dit-il, il sera bien entendu que c’est parce que je suis le meilleur que vous comptez sur moi pour céder au pire. On saura que c’est parce qu’aucune abnégation n’est à attendre de celui qui a déjà appris la moitié de son rôle de Judas que vous me demandez, à moi, un tel acte de dévouement.

— C’est, dit Tchetchevik, pour lui rendre impos-