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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/25

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UN VOYAGEUR INCONNU

monde. Ils disaient tous : « Nous allons nous battre ; » et je les regardais : « Oui, mes enfants ; » et ils ajoutaient : « L’Ukraine reconquerra son indépendance ; » et j’avais répondu encore : « Oui, mes enfants ! » Tous les trois sont restés sur le champ de bataille, et l’Ukraine n’est pas libre !

— Ah ! disait une jeune femme, on se fait tuer et l’on n’a encore rien gagné. Si encore on pouvait se dire : « Je meurs, mais je laisse aux autres ce que je cherchais… »

La vieille femme l’interrompit :

« Tu ne m’as pas comprise. Quand il s’agit de la patrie, on ne marchande pas, on ne se dit pas : « Réussirai-je ? » mais : « C’est mon devoir, » et on se jette dans la mêlée. Si on est tué, on est bien mort ; c’est un meilleur sort que de mal vivre. Les miens ont agi ainsi. Que Dieu ait leur âme ! Si c’était à recommencer, ils recommenceraient.

— Vous avez raison, vous avez raison, » dirent plusieurs femmes.

D’autres ne disaient rien qui se mirent à pleurer. Les enfants aussi étaient soucieux. Ils ne jouaient pas, ils ne criaient ni ne riaient, mais se tenaient, respirant sans bruit, dans les coins, tout en observant les figures des « grands » et en écoutant leurs discours.

Une petite, toute petite fille, à la chevelure blonde, aux grands yeux extrêmement brillants, aux lèvres