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Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/145

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Sur un des panneaux du salon, mon maître a placé une jolie aquarelle de M. Leloir représentant des personnages travestis chez le commissaire de police ; à droite, sur le même panneau, des miniatures anciennes des aïeux de mon maître ; puis au-dessous un ravissant bureau Louis XV, sur lequel voisinent un vase de vieux Chine rose et un ivoire ancien très beau, dont le travail est d’une finesse remarquable. Cet ivoire représente le sacre du roi Clovis par saint Rémy à la cathédrale de Reims.

Un matin, je restai stupéfait ; ce bel ivoire était remplacé par un portrait de femme. Je ne vis pas si elle était belle ou laide, ma déception était trop grande ! Comment ! je n’aurais plus le plaisir de contempler ce si joli bibelot, où chaque personnage était si bien en relief et si bien à sa place ! Les personnages étaient petits, mais d’un fini parfait, la patine complétait la beauté de cet objet d’art, et il avait sans doute disparu pour toujours ! J’en étais désolé. Intérieurement j’en voulais à ce portrait de femme, je l’aurais volontiers jeté par la fenêtre. Heureusement, il n’y resta même pas une journée entière ; le soir, un petit cadre avec un sujet ancien quelconque l’avait remplacé. Mon maître, si expansif d’ordinaire lorsqu’il s’agissait de ses bibelots, garda un silence absolu sur ce changement.


Le 12 mars, M. d’Hubert est au salon. Il est venu plaider la cause du Gil Blas, qui désire s’assurer le prochain roman de M. de Maupassant. Aussitôt qu’il fut parti, mon maître vint avec moi apporter quelques modifications dans l’arrangement de la salle à manger. On posa sur le panneau faisant face à la porte du salon un caparaçon en drap rouge avec application de soie jaune