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Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/150

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peu marin, puisque j’avais fait le voyage de Marseille à Cannes sans passer par-dessus le bastingage et même sans tomber une seule fois sur le pont…

Le 18, le Bel-Ami sort dans l’après-midi pour promener en mer des amis… En rentrant vers 5 heures, Mme de Maupassant me dit : « Le bateau de mon fils est très beau en mer avec ses belles voiles blanches ; il est tout à fait gracieux. » Le soir, en dînant, mon maître raconta à sa mère la jolie promenade qu’ils avaient faite ; il expliqua en détail les qualités du bateau avec sa nouvelle voilure, beaucoup plus grande que l’ancienne, ce qui la rendait absolument parfaite, donnant une allure tout autre au petit navire. Dans son enthousiasme, il alla jusqu’à dire : « Je pense même qu’avec ce bateau ainsi arrangé, nous pourrons, l’année prochaine faire une croisière sur les côtes du Maroc… »


Cannes, villa Continentale, avril 1888. — Qu’a donc mon maître ce jour-là ? Il me demande deux fois si Madame était rentrée : « Il est 6 heures passées, répondis-je, Madame ne tardera sans doute pas, car elle n’aime pas circuler dans l’obscurité… » Monsieur marche du bout de l’antichambre à l’extrémité du salon, il est visible qu’il a quelque chose à dire à sa mère. Madame arrive enfin ; à peine a-t-elle le temps de s’asseoir, qu’il lui dit d’un seul élan :

« Tu sais, j’ai eu une bonne journée qui s’est terminée par une chose qui m’a bien intéressé. J’ai rencontré le général A… ; nous avons marché ensemble vers la Croisette. Pendant cette promenade, il m’a raconté sa dernière charge de 1870, à la tête de son escadron. « Nous savions, me dit-il, que tout était perdu et le général D… en était certain, quand il me dit : « Allons, pour