Aller au contenu

Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une de ses histoires de jeunesse où le piquant abondait.

Quand il eut fini, il dit à M. de Maupassant : « Je n’étais pas marié dans ce temps-là. » Sur quoi, Monsieur lui répondit : « Croyez bien, mon brave Bernard, que cela me laisse indifférent. »

À mon tour, je contai une aventure scabreuse qui m’était arrivée à Alger deux ans auparavant, en cherchant un appartement.

J’avais fini mon histoire, et tout le monde riait encore ; je me demandais si je n’avais pas été un peu trop loin dans mon récit, lorsque mon maître me dit : « Très bon, François, c’est bien arabe. » Il nous fit alors la description du genre de vie des femmes kabyles. Cette vie, quoique plus compliquée, plus extraordinairement sauvage, avait beaucoup d’analogie avec la nouvelle Allouma, publiée dans le volume la Main gauche.

Allouma, cette femme arabe devenue la maîtresse d’un riche Français, colon aux environs de Théniet-el-Haad, éprouvait le besoin, de temps à autre, de traverser les plaines de sable pour retourner sous la tente. Et lorsqu’elle était enfin repue de plaisir, elle reprenait sa route longue et pénible à travers le désert et revenait, harassée de fatigue, rampante, aux pieds du roumi son maître.

C’était à Raymond de conter à son tour. Il s’approcha de Monsieur et lui demanda la permission, qui lui fut accordée, bien entendu. Il commença :

« Je faisais alors les grands voyages de Chine. J’étais jeune et vigoureux et ne manquais pas de courage, je vous assure. Nous étions partis de Marseille avec l’Agrippa, voilier de premier ordre pour sa grandeur. Nous étions trente-six hommes d’équipage, et tous des gaillards. Comme les voyages précédents, nous traver-