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Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/261

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d’une légère buée de même couleur. De l’autre côté, on apercevait la forêt de chênes-lièges ; dans le bas, sur le littoral, elle paraissait grisâtre, embroussaillée, mais la partie des cimes, se perdant dans l’horizon, était d’un vert d’iris velouté qui était une caresse pour l’œil.

Le soir, mon maître raconta notre promenade à ses matelots, et Bernard lui dit que le mouillage de la Terrasse est moins que sûr ; qu’il est absolument découvert au vent d’Est, et que l’anse de Pampelone est baptisée par les marins de la côte la Baie de la Mort, à cause du grand nombre de bateaux qui viennent échouer sur ses sables. Monsieur conclut : « Beau et perfide, alors ».


Le lendemain, à 9 heures du matin, nous étions déjà sur le Bel-Ami, car mon maître désirait aller vers la haute mer « le plus loin possible », disait-il à Bernard, quand tout coup, à vingt mètres du bateau, un clairon sonna aux champs… Monsieur lisait son journal, assis à l’arrière ; il se mit à rire en disant : « Est-ce que Saint-Tropez va avoir une prise d’armes ? Il n’y a pas un seul képi, même le garde champêtre fait sa tournée, coiffé d’un buffalo. »

Des omnibus à galerie vinrent s’aligner sur les quais, puis arrivèrent un grand nombre de femmes, habillées de couleurs claires et coiffées de capelines blanches, qui semblaient vouloir s’envoler au moindre vent. Elles portaient de gros paquets qu’on chargea sur le dessus des voitures. Une nouvelle sonnerie de clairon se fit entendre, et toutes prirent d’assaut les véhicules, dedans, dessus, il y en avait partout, jusqu’aux côtés des conducteurs. Alors elles se mirent toutes à chanter en la langue de Mireille.

C’était doux, quoique très enlevé, cela ressemblait à