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Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/301

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en voilà encore qui m’ont servi des documents qui ne seront pas perdus. »


Le 26, dans le courant de l’après-midi, mon maître me dit qu’il va faire une promenade sur la route de Grasse. Dix minutes plus tard, il était de retour ; j’étais occupé à ma toilette. Il m’appelait très fort, voulait me voir à toute force et tout de suite, pour me dire ce qu’il avait vu sur la route du cimetière. Une ombre, un fantôme ! En tout cas, il avait été victime d’une hallucination quelconque. Je compris qu’il avait eu peur, mais il ne voulut pas l’avouer.


Le 27, en déjeunant, il tousse un peu ; il me dit très sérieusement que sûrement une partie du filet de sole qu’il vient de manger est passée dans ses poumons et qu’il peut en mourir. Ma courte science ne me permet pas de prendre au sérieux cette affirmation. Je me borne à lui conseiller de boire du thé très chaud. Le résultat fut bon ; une heure après, il descendait le chemin qui conduit au port et faisait une jolie promenade sur son Bel-Ami. J’étais assurément bien loin de penser que ce serait sa dernière[1] ! Il rentra vers 5 heures assez content, mais las. Une bonne friction le remit ; il se reposa en attendant le dîner et prit son repas comme d’habitude.

Le soir, Raymond me dit que Monsieur avait eu de la peine à monter dans le canot et à débarquer ; que visiblement ses jambes ne lui obéissaient plus. Par moment

  1. Le Bel-Ami devint en août 1893, après la mort de M. de Maupassant, la propriété de M. Frédéric de Neufville, qui le revendit en juillet 1895 à M. le comte de Barthélémy. Vers 1900, je le retrouvai à Saint-Nazaire, devenu simple bateau de pêche.