Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/305

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courir les journaux et de lui dire si je vois quelque chose qui puisse l’intéresser.

Une fois chez Madame, je fais et je sers le déjeuner ; mon maître a paru manger de bon appétit. Il y avait à table sa mère, sa belle-sœur, sa nièce et sa tante, Mme d’Harnois, qu’il aimait beaucoup. Il lui est arrivé plus d’une fois, quand son cœur était trop plein, d’aller le vider près d’elle ; elle avait des dons naturels et particuliers pour compatir à ses peines et le soulager.

À 4 heures, la voiture vient nous prendre ; en allant à la gare, nous achetons une grande caisse de raisin blanc pour continuer la cure habituelle. Au chalet, M. de Maupassant change de vêtements, met une chemise de soie pour être plus à l’aise, puis il dîne, comme à l’ordinaire, d’une aile de poulet, de chicorée à la crème et d’un soufflé crème de riz vanillé, le tout arrosé d’un verre et demi d’eau minérale. Jusqu’à près de dix heures, il marche d’un bout à l’autre du salon et de la salle à manger ; de temps à autre, il pousse jusqu’à la cuisine, dont la porte de communication est restée ouverte. Il nous jette à peine une parole, à Raymond et à moi.

Quand je lui montai une tasse de camomille dans sa chambre, il me suivit aussitôt et se plaignit de douleurs dans le dos. « Cela le tenait jusque dans la région lombaire, » disait-il ; je lui posai une série de ventouses et, au bout d’une heure, la souffrance se calma. À onze heures et demie, il se mit au lit. Assis sur ma chaise basse, dans la chambre voisine, j’attendais qu’il s’endormît. Après avoir pris sa tasse de tisane, il mangea du raisin et ferma les yeux ; il était minuit et demi.

Je me retirai dans ma chambre en laissant ma porte ouverte. Un moment après, la sonnette de la porte du jardin tinta, c’était un porteur de dépêches. Je rentrai et