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Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/72

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ordinaires, c’est un vrai musée. Il y a des céramiques intéressantes, mais ce qu’il y a de vraiment curieux, c’est son salon, très grand, élevé de plus de douze mètres dans lequel il a réuni une collection de bronzes japonais de toute beauté, un bouddha de Méjouro monté sous un dais, le tout haut de sept à huit mètres, puis un brûle-parfum de Kioto, un autre représentant un dragon et d’une finesse tout artistique ; il a aussi un dieu de la guerre chinois et un japonais, ils sont cocasses dans la drôlerie de leur accoutrement, sans parler de leurs figures bizarres aux barbes pointues. Il a sûrement chez lui des objets de très grande valeur. En sortant de chez M. de Cernuschi, je voulais me rendre avenue Friedland ; je pouvais prendre l’allée centrale du parc ou celle des nourrices à gauche, c’était mon plus court chemin, mais je ne sais pourquoi, je pris à droite, l’allée qui longe le boulevard de Courcelles. Je passai à côté de la mare aux canards où se trouvent deux cignes blancs bien chétifs. Peu après je remarquai une dame assise, seule, lisant un livre qui paraissait l’occuper entièrement. Quelques pas plus loin, je m’assis un moment, admirant la pose gracieuse de cette dame qui, toute à sa lecture, ne voyait rien de ce qui se passait à ses côtés ; puis je m’éloignai un peu pour m’asseoir au soleil. Là, j’avais près de moi, sur un banc, un ménage d’un certain âge ; la femme faisait du crochet et le mari dormait, le teint rouge, congestionné, signe d’une digestion pénible. Je me trouvais bien à cette place ; le soleil filtrant entre les branches, me frappait juste sur les jambes, cette belle verdure fraîche me faisait du bien aux yeux ; j’entendais craquer les bourgeons au-dessus de ma tête, faisant un bruit semblable aux grosses gouttes de pluie lorsqu’elles tombent sur les feuilles.