Page:Walch - Anthologie des poètes français contemporains, t2, 8e mille.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
ANTHOLOGIE DES POÈTES FRANÇAIS

L’exhalaison putride en ces formes aimées
Met la dérision d’enflures innomées,
Et force impudemment la bouche à se rouvrir.
Les yeux, qu’ont fait saillir d’immondes bouffissures,
Laissent dans le ravin de leurs noires fissures
On ne sait quel frisson d’êtres vivants courir,
Et ce débris boueux qui fut la créature,
Touché par l’aiguillon brûlant de la Nature,
Au lieu de reposer, s’évertue à pourrir.

L’ébranlement fatal ainsi se perpétue.
Et nul ne peut savoir jusqu’où la Mort nous tue.
Tout notre sentiment s’est-il évanoui,
Ou plutôt la douleur s’est-elle morcelée
Sous le couvercle épais de la tombe scellée,
Elle ver famélique avec nous enfoui
Grève-t-il l’être humain d’un millier d’existences
Qui, l’armant d’un millier d’appétits plus intenses,
Lui réservent l’horreur d’un supplice inouï ?

Et l’évolution se déroulera-t-elle,
Remontant les degrés de la vie immortelle
Depuis l’obscur tourment de la putridité
Jusqu’à la passion consciente des hommes ?
Nous retrouverons-nous à la place où nous sommes ?
Ou, sans que notre élan jamais soit arrêté,
Tourbillonnerons-nous comme des grains de sable.
Et, traînant le fardeau d’un sort impérissable,
Attendrons-nous la mort toute l’éternité ?
. . . . . . . . . . . . . . . . .

(Les Parques.)


L’ILE FORTUNÉE


I


Phobios est heureux. Dans son île opulente
Il est roi. Ses vaisseaux voguent à l’horizon.
Une jeune épousée embellit sa maison.
Et l’emplit de son pas léger, de sa voix lente.

Elle fait résonner le rouet de roseau.
Il parle de l’ami de son enfance, Anthée,