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ANTHOLOGIE DES POÈTES FRANÇAIS

Comme un cercueil, la boîte est funèbre et massive,
Et contient les cheveux de ses parents défunts,
Dans des sachets jaunis aux pénétrants parfums,
Qu’elle vient quelquefois baiser, le soir, pensive !

Quand sont mortes mes sœurs blondes, on l’a rouvert
Pour y mettre des pleurs et deux boucles frisées !
Hélas ! nous ne gardions d’elles, chaînes brisées.
Que ces deux anneaux d’or dans ce coffret de fer.

Et toi, puisque tout front vers le tombeau se penche,
O mère, quand viendra l’inévitable jour
Où j’irai dans la boîte enfermer à mon tour
Un peu de tes cheveux, que la mèche soit blanche !


(Les Tristesses.)


LA PLUIE


Oh ! la pluie ! oh ! la pluie ! oh ! les lentes traînées
De fils d’eau qu’on dévide aux fuseaux noirs du Temps
Et qui semblent mouillés aux larmes des années !
Oh ! la pluie ! oh ! l’automne et les soirs attristants !
Oh ! la pluie ! oh ! la pluie ! oh ! les lentes traînées !

Qui dira la douleur sombre du firmament.
Route de cimetière avec d’horribles voiles
Où les nuages vont élégiaquement.
Corbillards cahotant des cadavres d’étoiles,
Qui dira la douleur sombre du firmament.

Dans le deuil, dans le noir et le vide des rues.
La pluie ; elle s’égoutte à travers nos remords
Comme les pleurs muets des choses disparues,
Comme les pleurs tombant de l’œil fermé des morts,
Dans le deuil, dans le noir elle vide des rues !

La pluie est un filet pour nos rêves anciens !
Et, dans ses mailles d’eau qui leur font prisonnières
Les ailes, ces divins oiseaux musiciens
Meurent très longuement d’un regret de lumières.
La pluie est un filet pour nos rêves anciens.

Comme un drapeau mouillé qui pend contre sa hampe,
Notre Ame, quand la pluie éveille ses douleurs.