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ÂME BLANCHE

pas prévoir cela…, mais je vais être bien malheureux. On me mettra en pension, et, moi, voyez-vous, je m’échapperai, car jamais, jamais je ne pourrais tenir entre les quatre murs de ces prisons : je suis habitué au grand air ; à la campagne, dans la propriété de papa, je passais ma vie au bord de la Lys, parmi les champs et les prés, et j’étais libre !

Là, Jacques, que l’émotion suffoquait, s’interrompit ; et ce fut, durant un long moment, un balbutiement incompréhensible, des phrases sans suite, bégayées, des mots de regret pour son père mort, de véritables imprécations contre son tuteur, tout un discours exaspéré où son désespoir s’épanchait. Il finit par fondre en larmes. Puis, comme je lui serrais les mains, essayant de le consoler, de l’amener à la résignation recommandée aux affligés par mon catéchisme :

— Vous êtes trop petite, Évangéline, vous ne pouvez pas comprendre, murmura-t-il.

— Je me figurais, au contraire, que je le comprenais trop bien ; et, regardant six années en arrière, je me rappelais une fillette, presque bébé encore, et qui avait eu le même chagrin, les mêmes révoltes au moment où on l’introduisait dans cette glaciale maison.

— C’est triste d’être orphelin… dis-je.

Ses larmes redoublèrent et j’eus toutes les peines du monde à le calmer, à le décider à jeter un regard bienveillant sur une poupée qui était