XVIII
Le ménage Lorentz n’avait jamais eu d’enfant. Il habitait en vue du Parc, le quartier riche de la Métropole. C’était un vaste hôtel somptueusement meublé ; mon oncle ayant ses bureaux près du port, aucun écho de ses grandes affaires ne pénétrait ici. Ma tante Hélène, sa femme, n’avait pas trente-cinq ans ; elle était d’humeur joyeuse, de physionomie avenante, de caractère léger, folle de plaisir et privée de toute espèce d’esprit pratique.
Elle me fit, ainsi qu’à Véronique, qui devait rester attachée à mon service, une réception flatteuse :
— Ma petite, vous avez embelli, vous êtes gentille à croquer, aujourd’hui ; vous serez, dans un an ou deux, une très jolie jeune personne. Mais, pour Dieu ! quel accoutrement !… Ce chapeau de crêpe roux, cette robe de mérinos noir trop longue… cela sent le goût de Josine à dix lieues ! D’abord, votre deuil n’a plus de raison d’être : un deuil d’aïeul, cela se porte six mois et voilà un an passé que le docteur et sa femme sont morts. Nous allons changer tout cela. Eh ! mon enfant, ce que vous avez dû vous morfon-